L’aquilon. Abraham Anghik Ruben à Prince-de-Galles : Contacts

Matériaux mixtes pour hybridation culturelle

La coexistence pacifique et fructueuse des Inuits et des Vikings inspire Aurora Borealis, une somptueuse exposition des œuvres du sculpteur Abraham Anghik Ruben.

Originaire de Paulatuk, M. Ruban a fait son chemin dans le monde des galeries. Il a exposé un peu partout au Canada, mais aussi en Suisse et aux Etats-Unis, entre autres au Museum of the American Indian, une division de la Smithsonian Institution. Le monsieur travaille le bronze, la pierre à savon, le marbre, les combinant parfois. Il crée des pièces parfois incroyablement détaillées, tel cet aigle de grand format dont les ailes s’ornent d’une scène de bataille ancienne.
De son atelier en Colombie-Britannique, Abraham Anghik Ruben a accordé une entrevue à L’Aquilon pendant une pause. Et c’est d’histoire, bien davantage que d’art, dont il a parlé. Et on s’est aperçu que le monsieur est sérieusement documenté.

Cohabitation
Les prémisses d’Aurora Borealis, donc, ce sont la coexistence et les échanges culturels entre les Vikings et les Inuits au Groenland et à la Terre de Baffin, entre les années 900 et 1600.

« Même s’il n’y a pas de documents écrits, raconte Abraham Anghik Ruben, lorsque deux groupes se rencontrent, des choses arrivent, comme des mariages, des chasses collectives. La survie des Vikings dans le Nouveau Monde était basée sur leurs relations avec les Inuits. Il y a eu échange de technologie. Les Vikings ont rapporté en Europe un enduit pour imperméabiliser les bateaux faits avec du gras de baleine, des cordes faites avec des parties de mammifères marins. »

Non seulement il y a eu rencontre, mais des parallèles se tracent entre l’histoire des Vikings et des Inuits… et celle d’Abraham Anghik Ruben. Les deux peuples ont tous deux abouti à Baffin et au Groenland à la suite de migrations échelonnées sur plusieurs siècles. Alors que les premiers arrivaient de la mer de Béring, de dire M. Ruben, les Vikings provenaient de Scandinavie via l’Irlande et l’Écosse, poussés par les pressions politiques et démographiques. « On peut présumer qu’ils se sont mélangés, qu’ils parlaient la langue de l’autre, spécule le sculpteur. Et ils comprenaient l’esprit de la place. »

D’hier à aujourd’hui
Selon M. Ruben, les Vikings s’étaient installés en Amérique du Nord durant une période de réchauffement climatique et sont ensuite repartis. « On revient à cette situation aujourd’hui, fait-il remarquer, en lien avec le climat. »
C’est en 2004, alors qu’il réchappait d’un cancer, qu’Abraham Anghik Ruben a amorcé cette partie de son œuvre, qu’il considère comme une étape importante de sa carrière. Bien qu’inuit, il a du sang irlandais, comme, dit-il, nombre de Vikings venus en Amérique du Nord étaient souvent irlandais.

Inédits
Jusqu’au 30 avril, l’exposition Aurora Borealis propose des représentations de la mythologie et des croyances spirituelles des Inuits et Vikings, mais vise aussi à montrer leur coexistence pacifique. Ruben, qui a vécu à Yellowknife entre 1975 et 1981, crée parfois des pièces de vastes dimensions et richement ouvragées, comme ces drakkars emboîtés l’un dans l’autre et ornés d’une représentation de Ragnarok. L’exposition comprend des œuvres inédites, d’autres exposées à Toronto, Sault-Ste-Marie ainsi qu’au Smithsonian.

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